Certains danseurs sont impressionnants, en premier lieu Stéphane
Bullion (il danse dans les trois affiches) qui semble glaner le résultat des (gentilles) mises à l'épreuve récentes et apparaît pour le coup très aérien et précis dans
Suite En Blanc, et même souriant. Après un décembre de
stackhanoviste consacré à
Raymonda,
Lifar semble être un jeu d'enfant... Sa plastique fait le reste... Dans l'
Arlésienne, véritable diamant brut, il retrouve un rôle qui fond dans son tempérament et peut montrer une facette de la danse qui pense, une de ces compositions qui se nourrit de réflexion et de subtilité. Pour le
Bolero, le physique joue aussi, il suffit de laisser parler le rythme et son corps, il est l'âme damnée du gourou, objet sexuel dominateur et dévorant, adorateur fidèle, puissant et terrifiant...
Nicolas Le Riche est le génie du
Boléro. Aucun mot ne peut décrire cet objet non identifié qui se
transforme au fil de la musique en
quelquechose d'irrésistible, dont on
palpe le pouvoir sur ses troupes avec d'autant plus de bonheur que le corps de ballet est excellent. En quinze minutes, il transforme les masses, sur scène et dans la salle, cela peut mettre très mal à l'aise quand on y réfléchit, mais puisque ce n'est que de la danse, alors il faut saluer ce danseur au charisme exceptionnel et sourire au délire qu'il provoque dans la salle. Il n'y a sans doute, de par le monde, que
Nikolai Tsiskaridze pour produire ce type de réaction. Dans la
Mazurka de
Suite en Blanc, il est sobre et précis, onctueux dans les sauts et précis dans les équilibres. Charisme, c'est certain, mais le reste est présent également.
Nicolas Le Riche -
Le Boléro
Retour sur scène timide
d'Hervé Moreau au début mais qui semble s'être senti plus à l'aise vers la fin de la série, parfait de moelleux et d'ampleur dans
l'adage et le
manège final sur la dernière représentation... C'est un danseur d'une rare élégance dont la longue absence a fait cruellement défaut à la troupe, on ne voit guère que
Christophe Duquenne (et peut-être
Mathieu Ganio quand il aura atteint une maturité artistique...) à ce niveau de fluidité dans les mouvements... Il aurait pu avoir une
Mazurka (
Christophe Duquenne également)...
La grande dame de cette affiche est
Agnès Letestu, car si elle n'a dansé que
la Cigarette, elle a laissé tout le monde sur place à chaque fois. Il ne fait pas bon la côtoyer si on a un ego très fort... Bien sûr, les fouettés du final aident beaucoup à asseoir cette assurance et cette rare précision dans l'esprit des foules, mais celle qui fait oublier la technique, a montré une musicalité extrême dans cette pièce difficile que l'on n'a pas vu chez les autres... La beauté de son ralenti au milieu des fouettés pour coller à la musique laisse muet...
Agnès Letestu -
La Cigarette -
Suite en Blanc
Aurélie Dupont est également de retour dans toute sa splendeur après un
Raymonda décevant, cependant, un peu comme
Dorothée Gilbert, qui n'a pas été très à l'aise dans cette affiche, elle manque un peu d'humanité dans son enrobage technique. Cela se voit parfaitement dans le
Manège que
Clairemarie Osta arrive à sublimer grâce à une générosité un peu absente chez sa collègue...
Enfin Isabelle
Ciaravola a réussi à sortir
Vivette de l'
Arlésienne de l'impasse chorégraphique dans laquelle
Roland Petit l'a mise... Si on prend en compte le fait qu'elle a dansé tous les autres soirs dans
Suite en Blanc, dans
la Sieste ou la
Flûte, on se dit que c'est une personne rare, une danse d'une clarté et d'une
légèreté, des jambes de rêve, une justesse dans son jeu...