Proust ou les intermittences du coeur
Ballet en deux actes et treize tableaux inspiré du roman de Marcel Poust A la recherche du temps perdu
Chorégraphie et mise en scène - Roland Petit (1974)
Musiques - Ludwig van Beethoven, Claude Debussy, Gabriel Fauré, César Franck, Reynaldo Hahn, Camille Saint-Saëns, Richard Wagner
Décors - Bernard Michel
Costumes - Luisa Spinatelli
Lumières - Jean-Michel Désiré
Ballet en deux actes et treize tableaux inspiré du roman de Marcel Poust A la recherche du temps perdu
Chorégraphie et mise en scène - Roland Petit (1974)
Musiques - Ludwig van Beethoven, Claude Debussy, Gabriel Fauré, César Franck, Reynaldo Hahn, Camille Saint-Saëns, Richard Wagner
Décors - Bernard Michel
Costumes - Luisa Spinatelli
Lumières - Jean-Michel Désiré
Argument (source Opéra de Paris)
Ouverture
Camille Saint-Saëns, "Le carnaval des animaux", 1886
Tableau I. " Faire clan" ou l’image du snobisme offensif selon Proust
Dans la passion de Swann pour Odette, une sonate – qu’ils ont entendue ensemble au premier temps de leur amour – joue un rôle déterminant. Quelques mesures seulement – qu’ils appellent "la petite phrase" - deviennent entre eux comme un leitmotiv si puissant qu’il prend aussitôt presque autant d’importance que les amants eux-mêmes. C’est "l’air national de leur amour" nous dit Proust.
Dans ce tableau, nous assistons à une interprétation de la sonate telle que l’a décrite Proust. Le danseur personnifie le violon, la danseuse le piano.
César Franck, "Sonate pour violon et piano", 1886
Première partie - Quelques images des paradis proustiens
Ouverture
Camille Saint-Saëns, "Le carnaval des animaux", 1886
Tableau I. " Faire clan" ou l’image du snobisme offensif selon Proust
Il s’agit du clan Verdurin et de sa Patronne. Son clan ? Des non-nobles, des non-nés qui, sous couvert de non-snobisme, qualifient les mondains "d’ennuyeux", alors qu’ils sont aussi snobs qu’eux. En vérité, Madame Verdurin rêve de ce qu’affecte de mépriser cette duchesse de Guermantes chez qui tous les hommes du clan voudraient être reçus, à laquelle toutes les amies de la Patronne souhaiteraient ressembler. Madame Verdurin parviendra à ses fins. Un mariage avec le prince de Guermantes couronnera cette splendide carrière parisienne.
Dans ce tableau, nous assistons à la multiplication de "l’idée-Duchesse-de-Guermantes" dans l’esprit des membres du clan.
Renaldo Hahn, "L'heure exquise pour baryton et piano, 1883
Tableau II. "La petite phrase de Vinteuil" ou la musique des amours. Dans ce tableau, nous assistons à la multiplication de "l’idée-Duchesse-de-Guermantes" dans l’esprit des membres du clan.
Renaldo Hahn, "L'heure exquise pour baryton et piano, 1883
Dans la passion de Swann pour Odette, une sonate – qu’ils ont entendue ensemble au premier temps de leur amour – joue un rôle déterminant. Quelques mesures seulement – qu’ils appellent "la petite phrase" - deviennent entre eux comme un leitmotiv si puissant qu’il prend aussitôt presque autant d’importance que les amants eux-mêmes. C’est "l’air national de leur amour" nous dit Proust.
Dans ce tableau, nous assistons à une interprétation de la sonate telle que l’a décrite Proust. Le danseur personnifie le violon, la danseuse le piano.
César Franck, "Sonate pour violon et piano", 1886
Tableau III. "Les aubépines" ou les mots-fées.
Il y a chez Proust des mots qui portent en eux tant d’exaltation qu’ils sont à eux seuls toute une histoire. Ainsi le mot Aubépine. C’est aux aubépines qu’il dit adieu, enfant, à l’instant où il lui faut quitter la campagne. C’est parmi les aubépines qu’il entr’aperçoit pour la première fois "une fillette d’un blond roux" dont il tombe éperdument amoureux. Il reste devant un chef d’oeuvre. Il fait un écran de ses mains pour n’avoir qu’elle sous les yeux. Dans ce tableau nous assistons à l’apparition de Gilberte parmi les aubépines.
Tableau V. "Les jeunes filles en fleurs" ou les vacances enchantées.
Claude Debussy, "La mer", 1903-1905
Tableau VI. Albertine et Andrée ou la prison et les doutes.
Il y a chez Proust des mots qui portent en eux tant d’exaltation qu’ils sont à eux seuls toute une histoire. Ainsi le mot Aubépine. C’est aux aubépines qu’il dit adieu, enfant, à l’instant où il lui faut quitter la campagne. C’est parmi les aubépines qu’il entr’aperçoit pour la première fois "une fillette d’un blond roux" dont il tombe éperdument amoureux. Il reste devant un chef d’oeuvre. Il fait un écran de ses mains pour n’avoir qu’elle sous les yeux. Dans ce tableau nous assistons à l’apparition de Gilberte parmi les aubépines.
Tableau IV. "Faire catleya" ou les métaphores de la passion.
Le premier soir où Swann monte en voiture avec celle qui deviendra sa maîtresse, Odette porte à la main un bouquet de catleyas et encore d’autres catleyas "enfoncés dans l’ouverture de son corsage décolleté". Il la posséda ce soir-là en commençant, sous prétexte de ne pas les froisser, par arranger les catleyas. Par la suite, il y eut dans leur conversation la phrase "faire catleya" qui eut pour eux seuls, sa véritable signification.
Dans ce tableau nous assistons aux prémices de la passion de Swann pour Odette.
Camille Saint-Saëns, "Morceau de concert pour harpe et orchestre", 1918Le premier soir où Swann monte en voiture avec celle qui deviendra sa maîtresse, Odette porte à la main un bouquet de catleyas et encore d’autres catleyas "enfoncés dans l’ouverture de son corsage décolleté". Il la posséda ce soir-là en commençant, sous prétexte de ne pas les froisser, par arranger les catleyas. Par la suite, il y eut dans leur conversation la phrase "faire catleya" qui eut pour eux seuls, sa véritable signification.
Dans ce tableau nous assistons aux prémices de la passion de Swann pour Odette.
Tableau V. "Les jeunes filles en fleurs" ou les vacances enchantées.
Face aux jeunes filles le narrateur croit se trouver devant un paradis de pureté, de fraîcheur. Il observe, fasciné, leur va-et-vient sur la plage. Il ne pourra plus concevoir de vacances sans elles.
Ce tableau n’est rien d’autre qu’une image de ces jeunes filles en robes blanches qui fascinaient Marcel Proust.
Tableau VI. Albertine et Andrée ou la prison et les doutes.
Ce que le narrateur a pris pour un paradis de pureté, de fraîcheur, ces jeunes filles en fleurs qui le fascinent ne sont-elles, à l’image du monde des adultes, que mensonges et faux-semblants, cachant toutes sortes de gestes impudiques et de désirs équivoques ?
Dans ce tableau nous assistons à ce qui va ôter à l’amoureux des jeunes filles ses dernières illusions. Il voit "Albertine et Andrée qui valsaient lentement serrées l’une contre l’autre". Mais jusqu’au bout il voudra douter de l’impureté de ses amis.
Claude Debussy, "Syrinx pour flûte seule", 1913
Tableau VII. "La regarder dormir" ou la réalité ennemie.
Il s’agit d’Albertine, cette jeune fille dont le narrateur a fait sa prisonnière. Il l’enferme chez lui pour l’arracher à ses amies, à son passé. Mais rien ne met un terme à la jalousie qu’il éprouve pas plus qu’aux doutes qu’elle suscite. Il ne peut l’aimer qu’endormie.
Dans ce tableau nous voyons l’amant et sa captive. Il l’interroge, il l’espionne jusque dans son sommeil. Et rien ne fait taire sa jalousie. La belle endormie disparaît comme dans des sables mouvants.
Camille Saint-Saëns, "Symphonie n°3 avec orgue", 1886
Introduction
Camille Saint-Saëns, "Le carnaval des animaux", 1886
Tableau VIII. Monsieur de Charlus face à l’insaisissable.
Le violoniste Morel est ce jeune artiste devenu l’idole de Monsieur de Charlus. Le vieux gentilhomme qui n’est qu’une formidable imposture, cachant du mieux qu’il peut la horde de ses démons intérieurs, perd toute retenue. En la personne de Morel, Charlus croit avoir rencontré l’archange face auquel il pourra enfin être lui-même. Or Morel n’est rien de tout cela. C’est un homme du peuple qui vit libre des interdits qui étouffent Monsieur de Charlus et les siens. Face à Charlus, Morel demeure l’insaisissable.
Ce tableau symbolise les moments exaltants que Monsieur de Charlus éprouve pour le violoniste Morel, il rêve de lui, célèbre et adulé.
Ludwig von Beethoven, "14e quatuor à cordes op.131", 1826
Tableau IX. Monsieur de Charlus vaincu par l’impossible.
Ce sont les terribles visions de la liberté de Morel dans le vice, la découverte de son idole, de celui qu’il prenait pour un archange, faisant commerce de son corps, qui auront raison de Monsieur de Charlus. Il voit enfin Morel sous son vrai jour, il est "devant l’impossible".
Ce tableau montre l’instant ou Monsieur de Charlus surprend Morel parmi les femmes dans la maison de plaisir de Mainville.
Camille Saint-Saëns, "Havanaise pour violon et orchestre", 1887
Le narrateur en quête d’aventure erre dans Paris. La guerre de 1914 fait rage et les gothas lancent des bombes sur la ville. Parce qu’il voit des soldats entrer dans un petit hôtel obscur, il y entre à son tour. Et là
Le tableau reproduit la scène célèbre où le narrateur, stupéfait, surprend, dans un hôtel borgne, Monsieur de Charlus flagellé par un des employés de la maison.
Camille Saint-Saëns, "Marche héroïque", 1871
Tableau XI. "Rencontre fortuite dans l’inconnu".
Certaines pages dans le Temps retrouvé sont une ode à la nuit trouble d’une ville que la guerre plonge dans l’obscurité, à Paris dans le noir, avec tout ce que cela apportait de tentations inconnues aux habitants infernaux de cette Pompéi, éternels quêteurs de plaisirs interdits.
Dans ce tableau, des êtres tâtonnent dans le noir à la recherche les uns des autres. Et l’obscurité, au lieu de les rendre inatteignables l’un à l’autre, les délivre de leurs timidités et leur apporte "un surcroît de bonheur". Ce sont "comme des rites secrets dans les ténèbres des catacombes".
Claude Debussy, "Danse pour harpe et orchestre" 1904
Tableau XII. Morel et Saint-Loup ou le combat des anges.
"Blond, doré, intelligent, doué de tous les prestiges", le jeune Saint-Loup est le symbole du courage et de la beauté masculine. C’est un être que l’homosexualité, le sadisme, tous les vices de Charlus et de Morel semblent avoir épargné. "A-t-il fait assez de folies pour ses maîtresses !" dit-on en parlant de lui. Et pourtant…
Ce tableau représente Saint Loup, l’archange de blancheur, le héros, portant la double auréole de ses succès féminins et de son courage à la guerre, affrontant Morel, l’ange noir, qui, à force de "ruses diaboliques" , réussit à l’entrainer dans le vice. Saint Loup sera tué le lendemain de son retour au front.
Gabriel Fauré, "Elégie op.24 pour violoncelle et piano", 1880, "Elégie op.24 pour violoncelle et orchestre", 1896
Tableau XIII. "Cette idée de la mort…" où le monde apparaît au narrateur comme derrière "une porte funéraire".
La guerre, comme une sanglante liturgie, donne le signal de l’effondrement du monde miroitant et superbe de la duchesse de Guermantes. Dans sa disparition, le narrateur voit le signe de sa propre mort. Toutes les fêtes ne sont plus pour lui que bals noirs.
Dans ce tableau, le narrateur se trouve face à face avec la femme qu’il a le plus admirée au long de sa vie. Il sollicite en vain les souvenirs du passé. Il ne retrouve en la Duchesse de Guermantes que "la contemplatrice de la mondanité". L’idée que cette femme est une image de sa mort, s’installe dans l’esprit du narrateur.
Richard Wagner, "Rienzi", 1839
Dans ce tableau nous assistons à ce qui va ôter à l’amoureux des jeunes filles ses dernières illusions. Il voit "Albertine et Andrée qui valsaient lentement serrées l’une contre l’autre". Mais jusqu’au bout il voudra douter de l’impureté de ses amis.
Claude Debussy, "Syrinx pour flûte seule", 1913
Tableau VII. "La regarder dormir" ou la réalité ennemie.
Il s’agit d’Albertine, cette jeune fille dont le narrateur a fait sa prisonnière. Il l’enferme chez lui pour l’arracher à ses amies, à son passé. Mais rien ne met un terme à la jalousie qu’il éprouve pas plus qu’aux doutes qu’elle suscite. Il ne peut l’aimer qu’endormie.
Dans ce tableau nous voyons l’amant et sa captive. Il l’interroge, il l’espionne jusque dans son sommeil. Et rien ne fait taire sa jalousie. La belle endormie disparaît comme dans des sables mouvants.
Camille Saint-Saëns, "Symphonie n°3 avec orgue", 1886
Deuxième partie - Quelques images de l’enfer proustien
Introduction
Camille Saint-Saëns, "Le carnaval des animaux", 1886
Tableau VIII. Monsieur de Charlus face à l’insaisissable.
Le violoniste Morel est ce jeune artiste devenu l’idole de Monsieur de Charlus. Le vieux gentilhomme qui n’est qu’une formidable imposture, cachant du mieux qu’il peut la horde de ses démons intérieurs, perd toute retenue. En la personne de Morel, Charlus croit avoir rencontré l’archange face auquel il pourra enfin être lui-même. Or Morel n’est rien de tout cela. C’est un homme du peuple qui vit libre des interdits qui étouffent Monsieur de Charlus et les siens. Face à Charlus, Morel demeure l’insaisissable.
Ce tableau symbolise les moments exaltants que Monsieur de Charlus éprouve pour le violoniste Morel, il rêve de lui, célèbre et adulé.
Ludwig von Beethoven, "14e quatuor à cordes op.131", 1826
Tableau IX. Monsieur de Charlus vaincu par l’impossible.
Ce sont les terribles visions de la liberté de Morel dans le vice, la découverte de son idole, de celui qu’il prenait pour un archange, faisant commerce de son corps, qui auront raison de Monsieur de Charlus. Il voit enfin Morel sous son vrai jour, il est "devant l’impossible".
Ce tableau montre l’instant ou Monsieur de Charlus surprend Morel parmi les femmes dans la maison de plaisir de Mainville.
Camille Saint-Saëns, "Havanaise pour violon et orchestre", 1887
Stéphane Bullion
Tableau X. Les enfers de Monsieur de Charlus.Le narrateur en quête d’aventure erre dans Paris. La guerre de 1914 fait rage et les gothas lancent des bombes sur la ville. Parce qu’il voit des soldats entrer dans un petit hôtel obscur, il y entre à son tour. Et là
Le tableau reproduit la scène célèbre où le narrateur, stupéfait, surprend, dans un hôtel borgne, Monsieur de Charlus flagellé par un des employés de la maison.
Camille Saint-Saëns, "Marche héroïque", 1871
Stéphane Bullion
Tableau XI. "Rencontre fortuite dans l’inconnu".
Certaines pages dans le Temps retrouvé sont une ode à la nuit trouble d’une ville que la guerre plonge dans l’obscurité, à Paris dans le noir, avec tout ce que cela apportait de tentations inconnues aux habitants infernaux de cette Pompéi, éternels quêteurs de plaisirs interdits.
Dans ce tableau, des êtres tâtonnent dans le noir à la recherche les uns des autres. Et l’obscurité, au lieu de les rendre inatteignables l’un à l’autre, les délivre de leurs timidités et leur apporte "un surcroît de bonheur". Ce sont "comme des rites secrets dans les ténèbres des catacombes".
Claude Debussy, "Danse pour harpe et orchestre" 1904
Tableau XII. Morel et Saint-Loup ou le combat des anges.
"Blond, doré, intelligent, doué de tous les prestiges", le jeune Saint-Loup est le symbole du courage et de la beauté masculine. C’est un être que l’homosexualité, le sadisme, tous les vices de Charlus et de Morel semblent avoir épargné. "A-t-il fait assez de folies pour ses maîtresses !" dit-on en parlant de lui. Et pourtant…
Ce tableau représente Saint Loup, l’archange de blancheur, le héros, portant la double auréole de ses succès féminins et de son courage à la guerre, affrontant Morel, l’ange noir, qui, à force de "ruses diaboliques" , réussit à l’entrainer dans le vice. Saint Loup sera tué le lendemain de son retour au front.
Gabriel Fauré, "Elégie op.24 pour violoncelle et piano", 1880, "Elégie op.24 pour violoncelle et orchestre", 1896
Tableau XIII. "Cette idée de la mort…" où le monde apparaît au narrateur comme derrière "une porte funéraire".
La guerre, comme une sanglante liturgie, donne le signal de l’effondrement du monde miroitant et superbe de la duchesse de Guermantes. Dans sa disparition, le narrateur voit le signe de sa propre mort. Toutes les fêtes ne sont plus pour lui que bals noirs.
Dans ce tableau, le narrateur se trouve face à face avec la femme qu’il a le plus admirée au long de sa vie. Il sollicite en vain les souvenirs du passé. Il ne retrouve en la Duchesse de Guermantes que "la contemplatrice de la mondanité". L’idée que cette femme est une image de sa mort, s’installe dans l’esprit du narrateur.
Richard Wagner, "Rienzi", 1839