samedi 31 octobre 2009

Rencontre Répliques

Nicolas Paul

Nicolas Paul a travaillé essentiellement sur le sens du mouvement, de sa gestuelle et la manière de les effectuer, ce qui pour une chorégraphie contemporaine est un point d’entrée judicieux et très pédagogique pour des spectateurs peut-être pas dans l’ensemble familiers de certaines techniques.
Il donne ainsi une explication simple et très claire au vocabulaire de sa danse. Elle est issue d’une profonde lecture de l’utilisation du corps qui se distille dans des gestes puissants s’imprégnant profondément dans la musique.

Amandine Albisson -Vincent Chaillet

Ce choix pour débuter la Rencontre est d’autant plus intéressant que les deux danseurs qui se plient à l’exercice ne sont pas des habitués de ses chorégraphies et qu’Emilie Cozette étant souffrante, Amandine Albisson travaille pour la première fois avec Vincent Chaillet. On découvre donc également en sus le travail du danseur dans sa première étape.

Amandine Albisson -Vincent Chaillet

Dans la première partie de la répétition, Nicolas Paul aborde juste le sens du mouvement. Comme dans le langage de la danse classique, le corps doit se mouvoir dans des séquences précises impulsées par certaines parties dans des enchaînements conduits par logique physique. Il explique alors les mouvements propres de son style.
Les danseurs semblent quelquefois désorientés par certains mouvements que leurs corps anticipent mal par réflexe et non par physique avec comme conséquence la rupture dans la fluidité des mouvements. Nicolas Paul décompose d’abord des mouvements du bras, typiques de sa chorégraphie, qui impliquent des rotations, puis des mouvements de tête, "les ronds de tête". Il laisse beaucoup les danseurs faire et s’approprier eux-mêmes les mouvements, montre un peu mais pas trop.
Dans la deuxième partie, plus courte, il travaille sur l’enchaînement et l’interaction entre les danseurs. Le chorégraphe à l’œil impitoyable corrige beaucoup montrant qu’il possède une vision très précise de son œuvre qu’il décrit par moment comme une partition.

Amandine Albisson -Vincent Chaillet - Nicolas Paul
Rencontre Répliques, Amphithéâtre Bastille, 31 octobre 2009
Avec Amandine Albisson et Vincent Chaillet
Nicolas Paul (chorégraphe) et Vessela Pelovska (chef de chant)

dimanche 25 octobre 2009

Nicolas Paul

L’Opéra de Paris a commandé au chorégraphe Nicolas Paul une création pour sa triple affiche du mois de novembre, aux côtés des reprises d’Amoveo de Benjamin Millepied et Genus de Wayne McGregor. 
Cette oeuvre s'appelle Répliques et est présentée du 7 au 22 novembre 2009 au Palais Garnier.

Nicolas Paul
Nicolas Paul, sujet du ballet, s’est lancé très tôt dans la chorégraphie. Il définit au fil de ses créations, des œuvres au vocabulaire précis et riche dans un style élaboré et facilement reconnaissable. Sa gestuelle très distincte, proche du sol et multi-angulaire, s’offre à des personnages pénétrés d’une lecture interne de l’interprétation qui s’ouvre à la fois sur une idée narrative souvent à peine effleurée, plus que sur des compositions structurées autour d’une histoire, évoquée le plus souvent en filigrane ou par impression. Les chorégraphies peuvent alors s'aborder en se laissant porter ou absorber par l'atmosphère mais aussi dans une lecture plus profonde comme des constructions intellectuelles.

Gesualdo
Stéphane Bullion

La structure des œuvres repose alors sur un commentaire d’ambiances liées étroitement à la musique où les choix musicaux du chorégraphe sont moteurs de l’idée chorégraphique, comme on peut le voir dans Gesualdo, peut-être son œuvre la plus mystique mais aussi la plus aboutie jusqu’à présent qui regroupe toutes les caractéristiques de son style.
Gesualdo est une pièce très tendue avec une gestuelle très puissante et très marquée ; même dans les passages les plus lents de la musique de Don Carlo Gesualdo da Venosa où la quintessence de la vie du célèbre compositeur est abordée par prisme, des états et des ambiances fortement mises en exergue, visuellement et chorégraphiquement déroulent une progression intense qui va de paire avec les choix musicaux, l’intégration d’un madrigal entre des extraits de musique sacrée qui commencent par une lectio.

Akathisie
Stéphane Bullion

C’est aussi le cas d’Akathisie, pièce très courte à l’idée simple qui décline le thème dans les attitudes du danseur comme un dialogue recherché entre la musique de Jean-Sébastien Bach et les effets de la maladie où l’intériorité de l’interprète s’oppose parfois à la gestuelle très forte et crée ainsi le cœur de l’œuvre.

Si ses différentes créations dans le passé se sont souvent ancrées sur des musiques plutôt baroques avec un goût prononcé pour Jean-Sébastien Bach, l’utilisation par exemple de Terry Riley dans Quatre Figures dans une pièce est exploitée dans toute son énergie et permet d’ouvrir sur des mouvements différents très structurés tout en respectant ce vocabulaire qu’il instaure au fil de ses créations.

Nun Komm' Der Heiden Heiland
Emilie Cozette

La musique de György Ligeti choisie pour Répliques s’associe donc dans le cadre de la création à l’Opéra de Paris d’un décor élaboré par l’architecte Paul Andreu assorti des lumières de Madjid Hakimi et des costumes de la créatrice de mode Adeline André, habituée des arts de la scène.

Chorégraphies de Nicolas Paul, quelques repères :
On peut toujours interpréter le vol des oiseaux, 2001
Deux prisonniers, deux tortionnaires, 2002
Akathisie, 2003
Bach-Suite 3, 2004
Sonate en trio, 2006
Entre d et e, Entre deux, Antre de, 2006
Gesualdo, 2006
Nun komm’ der Heiden Heiland, 2006
Anna, 2006
Quatre figures dans une pièce, 2007
Bubble, 2007

jeudi 22 octobre 2009

Joyaux 21 octobre - 18 novembre 2009



JOYAUX
Chorégraphie - George Balanchine
Décors et Costumes - Christian Lacroix
Première représentation, le 13 avril 1967 par le New York City Ballet


Emeraudes
Musique - Gabriel Fauré (Pelléas et Mélisande (1898), Shylock (1889), extraits)
Ballet entré au répertoire de l'Opéra de Paris le 19 décembre 2000

Clairemarie Osta

Rubis
Musique - Igor Stravinski Cappricio pour piano et Orchestre (1929)
Ballet entré au répertoire de l'Opéra de Paris le 13 mars 1974 sous le titre de Capriccio

Marie-Agnès Gillot

Diamants
Musique - Piotr Ilyitch Tchaikovski (Symphonie n°3 en ré majeur, op.29 (1875), quatre derniers mouvements)
Ballet entré au répertoire de l'Opéra de Paris le 19 décembre 2000

Agnès Letestu

Défilé du Ballet les 21 et 22 octobre 2009
Musique - Hector Berlioz (Marche, extrait de l'opéra Les Troyens)

Orchestre national de l'Opéra de Paris
Direction musicale - Kevin Rhodes
Piano dans Rubis- Christine Lagniel

mercredi 21 octobre 2009

lundi 12 octobre 2009

Giselle


L’Opéra de Paris a commencé la saison avec une très belle série de Giselle, un des ballets phares du répertoire. Si l’on met à part la contre performance de Benjamin Pech, les danseurs principaux de ces représentations ont affirmé un talent éclatant à différents niveaux, principalement les techniciens et les dramaturges. Même si certains sont plus doués que d'autres pour le ballet narratif, leur touche personnelle qui distingue leur caractère a profité au spectacle.

La scène de la folie
Isabelle Ciaravola & Stéphane Bullion

Giselle est un rôle paradoxal car la jeune paysanne souffreteuse qu’un Prince par malice ou par insouciance vient à conduire à la mort, doit faire preuve d’une technique sans faille dans des variations plutôt complexes qui challengent la danseuse. C’est pour cette raison entre autre que les capacités d’actrices de celle-ci sont indispensables pour restituer parfaitement le contexte du drame en parallèle à des mouvements qui ne doivent jamais n’être que de la technique pure. Dans le premier acte, cette force doit disparaître pour montrer la fragilité de Giselle alors que dans le deuxième acte, elle doit montrer le caractère éthéré de l’héroïne à travers des mouvements sans faille.

Delphine Moussin

Les danseuses qui ont abordé le rôle cette année étaient nombreuses. Seules Aurélie Dupont et Dorothée Gilbert ont un peu cédé à la tentation de la jouissance stylistique pure, mais sans doute en raison de leurs capacités restreintes dans le domaine de la tragédie. Elles rivalisent donc de virtuosité. Aurélie Dupont a plus de métier et se tire mieux du mime, elle peine cependant à émouvoir. Il est vrai que son physique sophistiqué ne l’aide pas à rendre une jeune paysanne crédule… Dorothée Gilbert gère mieux son brio dans le premier acte, où elle apparaît plus crédible dans sa danse, mais le mime est un peu laborieux et elle est trop linéaire dans son jeu surtout dans la scène de la folie que l’on sent et que l’on voit aussi trop travaillée.

Isabelle Ciaravola

Avec Isabelle Ciaravola et Agnès Letestu, c’est la maîtrise de l’art théâtral et difficile de ne pas entrer dans la naïveté de l’héroïne mais aussi dans son esprit hagard, on vibre avec elles. Delphine Moussin et Clairemarie Osta sont plus réalistes mais sont touchantes par leur simplicité désarmante.

Isabelle Ciaravola & Stéphane Bullion

Dans le deuxième acte, c’est aussi les actrices qui atteignent le firmament, en particulier Isabelle Ciaravola déjà évoquée le jour de sa représentation (voir post du 28 septembre 2009), et ceci notamment en raison de son partenariat exceptionnel avec Stéphane Bullion. Les deux danseurs sont dans le plus haut niveau de l'émotion et de la tension qu'apporte l'histoire.
Clairemarie Osta qui a bénéficié également d’un Albrecht de grande classe en la personne de Mathieu Ganio est remarquable mais cette paire est beaucoup moins dans la poésie que la première. En raison peut-être d’un maquillage moins marqué, elle a paru plus réelle et non pas entre deux mondes, les yeux toujours grands ouverts et attentive là où Isabelle Ciaravola s’abandonne aux éthers et aux bras de Stéphane Bullion.
Si Delphine Moussin s’accorde très bien avec Karl Paquette, il n’a pas la présence scénique des deux autres danseurs qui ont sublimé leurs Giselle, mais personne ne peut lui retirer ses piétinés irréels qui touchent au sublime.

Stéphane Bullion & Isabelle Ciaravola

Stéphane Bullion a encore une fois mis ses ressources d'acteur d'une rare sensibilité au service de ce rôle, peut-être plus complexe que celui de Giselle. Danseur très intériorisé, il s’abandonne à son personnage d’une manière singulière. Dans Albrecht, il trouve un personnage idéal qui convient parfaitement à son style de danse, ce qui le conduit à en donner une interprétation hors pair.

Stéphane Bullion

Son Loys est très surprenant. Curieusement, lui qu'on désigne souvent pour incarner les personnages sombres, a choisi de faire de Loys un prince solaire sincèrement amoureux, dans la lignée de son Jean de Brienne, puis vire au quasi psychotique dans la scène de la folie où l'angoisse le saisit. Dans cette série lors du premier acte, seul Benjamin Pech a construit un personnage avec autant de force et de lisibilité que le sien (mais à l'opposé puisque très perfide), et il est d’autant plus dommage que ce dernier n’ait pas fait montre du minimum de technique nécessaire au rôle, bâclant totalement les deux représentations qui lui étaient dévolues.

Stéphane Bullion

L'Albrecht de Stéphane Bullion retrouve les accents sombres dans lesquels il excelle si bien et s'abandonne au romantisme lyrique aux côtés d'une Isabelle Ciaravola d'une poésie totale.

Nicolas Le Riche & Aurélie Dupont

Nicolas Le Riche a semblé aborder Albrecht avec une décontraction un peu décalée qui s’accorde mal au jeu et à l'allure plutôt sophistiqués d’Aurélie Dupont. On peut néanmoins reconnaître à Nicolas la qualité de sa danse qui si elle est moins épurée que celle de Mathieu Ganio, n’en est pas moins parfaite et brillante, beaucoup plus pointue et technique que celle de Mathias Heymann pourtant assez impressionnant. Celui-ci s’est attaqué au rôle avec beaucoup de volonté mais la tâche est ardue et on préfère penser à lui dans quelques années, lorsqu’il aura maîtrisé les capacités extraordinaires de son corps et fait quelques progrès en art dramatique.

Clairemarie Osta & Mathieu Ganio

L'autre Albrecht à retenir est plutôt Mathieu Ganio, princier jusqu’au bout des ongles, pourtant encore très timide dans l’interprétation avec un Loys peu lisible et un Albrecht manquant un peu de lyrisme dramatique dans le deuxième acte. Mais sa danse est d’une finesse sans égale et même s’il manque un peu de cette intégration à l’histoire que Stéphane Bullion sait parfaitement réaliser, il est enthousiasmant par son élégance.
José Martinez et Karl Paquette sont plus en retrait face au festival de dons de leurs collègues mais sont néanmoins d'excellents partenaires. Karl Paquette qui forme avec Delphine Moussin une paire très émouvante est un beau prince, peut-être un peu trop linéaire mais il ne manque pas autant de relief que celui de José Martinez, qui en dehors d’une technique parfaite, semble peu investi dans l’histoire. A sa décharge, il a dû danser deux fois à la dernière minute avec Aurélie Dupont avec qui il ne forme pas un partenariat très harmonieux.

Berthe, Giselle & Hilarion
Christine Peltzer, Dorothée Gilbert & Yann Bridard

Il est dommage que la compagnie qui a bien distribué les rôles principaux, même si la défection d’Agnès Letestu a sollicité un peu plus Aurélie Dupont alors qu’elle aurait pu s’ouvrir, n’ait pas réparti plus largement ses talents sur le rôle d’Hilarion, qui est capital dans le premier acte.

Hilarion
Nicolas Paul

C’est d’autant plus regrettable d’y avoir affecté Karl Paquette qui n’a pas la présence nécessaire au rôle et d’avoir retiré Emmanuel Hoff au dernier moment. Certes Yann Bridard et Nicolas Paul sont de très bons Hilarion, même si un peu hors normes et pas dans la démonstration. Ils se sont donc répartis avec brio les autres représentations. Les deux danseurs ont un jeu clair et subtil, Yann Bridard très cérébral et malin (on voit qu’il s’est fait un gros plaisir et c’est franchement réussi), Nicolas Paul plus commun, spontané et brutal, très incisif dans les affrontements.

Myrtha
Emilie Cozette

Marie-Agnès Gillot est éblouissante en Myrtha et seule Emilie Cozette arrive à être aussi impérieuse vis-à-vis d’Hilarion et des tourtereaux, mais elle manque un peu de la clarté de la danse de son aînée. Stéphanie Romberg et Laura Hecquet sont plus traditionnelles, techniquement irréprochables mais avec une personnalité effacée. On ne peut que regretter la blessure de cette dernière lors de sa deuxième représentation.

Myrtha
Marie-Agnès Gillot

La politique réduite des distributions s’est aussi portée sur le pas de deux des paysans. En parallèle au plus connu Emmanuel Thibault, on a pu découvrir le talent naissant de Grégory Gaillard, quelquefois très impressionnant et Marc Moreau, encore un peu foufou mais avec des qualités très certaines, un ballon étonnant et une joie de danser qui s’accommode parfaitement de ces morceaux de bravoure. Le personnage féminin tout aussi virtuose est plus réservé. Ludmilla Pagliero s’est elle-même très bien acquittée du défi en réponse à Mélanie Hurel, parfaite en tout point mais que l’on sent un peu routinière. Amandine Albisson et Charline Giezendanner ont la fraîcheur de l’emploi mais manquent un peu du polissage que ce rôle requiert.

Amandine Albisson & Marc Moreau

Le corps de ballet a connu des hauts et des bas. Dans les paysans, l’Opéra avait aligné ses pointures et on ne peut qu'admirer. Les paysannes et les amies de Giselle ont souffert de plus d’aléas sans que vraiment on comprenne pourquoi. Ceci est vrai chez les Wilis même si dans la plupart des représentations, la synchronisation était parfaite. On peut retenir également l’extrême légèreté dans laquelle le corps de ballet se meut dans le deuxième acte à l'image des créatures surnaturelles qu'elles incarnent.

Les Wilis

Giselle comporte un nombre non négligeable de rôles non dansés mais néanmoins très importants. On ne peut passer sous silence les remarquables Wilfried de Jean-Christophe Guerri, le type sur qui Albrecht peut vraiment compter (on pense notamment à Stéphane Bullion qui cherchait en lui un véritable soutien psychologique dans sa détresse) et Sébastien Bertaud tour à tour petit page ou tête pensante. Amélie Lamoureux, princesse trahie et son dédain ou Béatrice Martel, plus meurtrie. A remarquer encore, dans toutes les représentations, Christine Peltzer, Berthe éplorée et Vincent Cordier, prince à la classe absolue.


Albrecht & Wilfried
Mathias Heymann & Sébastien Bertaud

samedi 3 octobre 2009

Joyaux, Montpellier & Grenoble 2009

Aurélia Bellet, Sarah Kora Dayanova, Mélanie Hurel, Laëtitia Pujol
Stéphane Bullion, Mathieu Ganio, Julien Meyzindi

Emeraudes est la pièce la plus difficile de Joyaux et comme c’est celle qui débute, elle cueille à froid et laisse une impression diffuse que la musique contribue à insuffler.
De ces représentations d’Emeraudes, on retient surtout l’aisance de Christophe Duquenne qui se meut sur scène avec un naturel incroyable, prenant quelques plaisirs au passage éclatants dans des petits sourires qui lui sont sans doute très personnels et ne se départissent jamais de l’élégance qui caractérise ce danseur.

Christophe Duquenne

Les autres garçons passent plutôt comme des promeneurs, traînant leurs lignes impeccables de long en large comme dans un défilé de mode (et ils sont bien beaux les garçons dans leurs costumes ajustés à leurs corps parfaitement dessinés), s’échangeant les jeunes femmes mais comme s’ils étaient désincarnés, sans âme. Les rôles féminins sont plus marqués mais guère intéressants même si Eve Grinsztajn apparaît se singulariser dans son interprétation de la sicilienne, Mélanie Hurel et Laëtitia Pujol sont plutôt comme les garçons : sur une autre planète (toutes aussi jolies et bien habillées).

Stéphane Bullion - Mélanie Hurel

Dans cette atmosphère, le pas de trois fait un peu étrange et malgré la volonté des différents trios, l’intérêt est assez réduit.
Le ballet est trop long pour que ces promenades ne deviennent pas ridicules et ennuyeuses. Le passage où les trois garçons et les quatre jeunes femmes se mêlent et s’entremêlent est le summum du pensum des relations entre bourgeois, étrange écho qu'on retrouve dans In The Night de Jérôme Robbins.

Stéphane Bullion & Mélanie Hurel

Rubis est crispant, ne serait-ce que par la musique dépouillée et survoltée de Stravinski engendre ces gestes ridicules et datés qui ponctuent le ballet, chez les garçons qui font semblant de sauter à la corde, ou chez les filles qui ressemblent à des poupées… Emilie Cozette et Stéphanie Romberg en solistes n’apparaissent jamais à l’aise et les manipulations des garçons semblent outrageusement ancrées dans une période révolue, Sabrina Mallem, plus vive, s’en sort mieux...

Sabrina Mallem

Pour le reste, toute la pêche de Mathias Heymann et Clairemarie Osta ou d’Alessio Carbone et Dorothée Gilbert n’y fait rien : c’est effarant de ringardise mais lorsqu’apparaissent Jérémie Bélingard et Muriel Zusperreguy, les choses prennent un autre tour. Jérémie Bélingard est absolument époustouflant dans sa maîtrise de la scène et du spectacle.


Jérémie Bélingard & Muriel Zusperreguy

Peut-être Balanchine n’aurait pas donné son approbation mais les choses sont là, un lion est dans l’arène et la comparaison avec les précédentes représentations lui est favorable. Il ne manquait que les petits cris comme le fait parfois Carlos Accosta… Bref, ce garçon est trop rare sur la scène de l’opéra mais finalement, on apprécie d’autant plus ses sorties.

Diamants

Diamants s’attaque à la grandeur ou plutôt au grandiloquent sur une musique sirupeuse puis pompeuse de Tchaikovski. Pris à part, cela pourrait être agréable (parce que court et assez bien construit) mais après Emeraudes et Rubis, cela apparaît comme le paroxysme de la prétention. D’ailleurs les spectateurs applaudissent avant que les danseurs commencent à bouger, l’effet est réussi, pas besoin de défiler comme dans Emeraudes, il suffit de regarder les costumes qui brillent de mille feux (merci Christian Lacroix car somme toute, dans d'autres compagnies, les costumes sont franchement moins réussis et on s'ennuie deux fois plus).

Emilie Cozette & Christophe Duquenne

Emile Cozette et encore Christophe Duquenne semblent avoir la volupté requise pour se fondre dans le tempo et incarner une certaine chaleur, alors qu’Agnès Letestu et José Martinez sont un peu trop hiératiques, à la limite de la caricature des seigneurs de la danse, efficacité maximale garantie, émotion zéro. Marie-Agnès Gillot et Karl Paquette sont hors propos, le couple peu harmonieux semblant lutter la plupart du temps, la danseuse trop en force et le danseur faisant ce qu’il peut pour maîtriser son énergie.

Agnès Letestu

En présentant Joyaux en province, l’Opéra de Paris, sélectionne un aspect un peu caricatural de son répertoire, un chorégraphe connu et prestigieux, des beaux danseurs, des beaux costumes, et offre sans doute ce que lui seul peut réaliser mais cela reste l’élitisme de la danse classique, une facette très restreinte de cette riche compagnie, comme si la visite hors les murs, la forçait à se distinguer là où elle n'a pas de concurrence.

Christophe Duquenne