mardi 9 novembre 2010

Paquita


Stéphanie Romberg - Guillaume Charlot - Stéphane Bullion


Cette saison a présenté une belle variété de Paquita, ballet snobé par les anciens, si l’on excepte Marie-Agnès Gillot et Karl Paquette qui se sont unis pour défendre le style Lacotte contre la jeunesse montante, mais tout à fait à la hauteur dans l’ensemble.
Paquita est un ballet aux pas compulsifs soutenus par une musique pompière qui lassent quand même très vite et dans ce contexte, l’investissement des danseurs dans le petit plus qui fait passer la logorrhée chorégraphique était largement bienvenue.

 Marie-Agnès Gillot - Karl Paquette

Avec Marie-Agnès Gillot, virtuose de l’absolu, il ne semble y avoir d’apesanteur que lorsqu’elle doit frayer avec son partenaire, un Karl Paquette pourtant zen jusqu’au bout des doigts. Le feu et le coton font relativement bon ménage et le piment apporté par Vincent Chaillet a fait de ce trio une distribution finalement pas si déséquilibrée qu’il n’y paraissait au premier abord, tant au point de vue déploiement scénique que de l’interprétation et la complémentarité des uns et des autres. Des représentations solides techniquement, rondement épaulées par un Iñigo autoritaire et charismatique et une Paquita éclatante de facilité, un humour second degré très bien assumé, théâtral juste ce qu’il faut pour ne pas forcer l’incongruité de leur appariement et s’en accommoder même  avec intelligence.

Nicolas Paul
Les défections en masse chez les danseurs masculins ont assorti une deuxième fois Karl Paquette à une danseuse improbable. Tout du moins l’ennui distillé par l’interprétation terne d’une Myriam Ould-Braham à la danse particulièrement lisse et éteinte a permis à ce dernier de faire ressortir une personnalité sur scène plus flagrante qu’avec Marie-Agnès Gillot. L’Iñigo noir et trouble de Nicolas Paul a également souffert du manque de répondant de cette Paquita bien trop scolaire, seule véritable déception de cette série.

Stéphane Bullion - Emilie Cozette

Stéphane Bullion, Emilie Cozette et Yann Saïz, sont les plus romantiques et se servent de tout pour construire autour de cette histoire assez maigre, une véritable comédie : ils ancrent dans une danse dont ils délimitent bien les fonctions, l’insoutenable excitation du flirt et de la jalousie et en imposent avec la grandeur sereine de leur dernier acte.
L’équipe réunie très homogène, vraiment rodée à l’art de comédie, a fait décoller l’histoire vers un burlesque de bon ton, délicatement servi par des artistes subtiles et sur la même longueur d’onde. Pour l’occasion, Stéphane Bullion se pare à bon escient de son rare et précieux sourire et Emilie Cozette d’une autorité lumineuse.

Emilie Cozette - Yann  Saïz

Emilie Cozette fait montre dans ce ballet à la fois d’une maîtrise scénique tant envers le puissant gitan au cœur tendre de Yann Saïz qu’elle soumet avec un savoir faire malicieux, que vers le doux et naïf Lucien tour à tour rêveur et romantique au premier acte, ingénu et curieux dans la scène de la taverne, puissant et protecteur dans le grand pas.

Stéphane Bullion - Emilie Cozette


L’éblouissante Dorothée Gilbert aurait pu briller encore plus si elle avait été soutenue par ses partenaires, un Mathieu Ganio compassé sur le plan dramatique, manquant un peu de mordant techniquement, et à l’inverse un Stéphane Phavorin en excès théâtral qui fait qu’en dernier lieu, elle donnait l’impression de danser seule et, presque uniquement pour elle, rejetant ses partenaires aux marges de l’histoire au profit d’une démonstration personnelle de technicité. Ballet narratif ? Que nenni !

Ludmila Pagliero
Pauline Verdusen - Séverine Westermann

Mathieu Ganio, peut-être étouffé par l’exubérante Dorothée, a paru plus à l’aise avec la sereine Ludmila Pagliero. Le couple est en effet plus équilibré et la danseuse s’est très intelligemment adaptée au jeu un peu maladroit du danseur. Comme Dorothée Gilbert, elle n’a pas non plus été servie par l’Iñigo d’Allister Madin qui semblait sortir d’une caricature de bande dessinée, mais on accorde à la jeunesse du danseur ce qui semble plus problématique chez Stéphane Phavorin qui a trop tendance à tirer sur le comique ridicule des rôles qui ne sont parfois qu’humour caustique, voire sans humour du tout. Ludmila Pagliero avec une danse fluide et intégrée dans l’histoire a quand même imposé une Paquita des plus plaisantes.
Cette production créée en 1981 et souvent reprise a par ailleurs montré l’excellence du corps de ballet, peut-être est-il  temps de tourner la page sur ce succès. 

Pauline Verdusen - Stéphane Bullion - Marie-Solène Boulet - Emilie Cozette