Audric Bezard - Stéphane Bullion |
Notre Dame de Paris est un étrange ballet dans sa construction et la distribution des rôles. C’est un ballet plutôt court, une heure et vingt minutes, avec un deuxième acte de trente minutes. La distribution chorégraphique est déstabilisante car quatre personnages principaux se répartissent l’action avec des caractéristiques très symboliques et répétitives, sans qu’aucun n’apparaisse comme le principal, même si le bossu Quasimodo est pratiquement toujours en scène et mis à l’honneur avec deux solos torturés et un pas de deux romantique. Le prêtre maudit Frollo à la variation possédée, caractérise son aspect agressif dans une confrontation avec Esmeralda et un pas de trois avec celle-ci et Phoebus. Outre ces apparitions avec les maîtres de la cathédrale, Esmeralda a une variation de la séduction et Phoebus une entrée courte mais tonique avec ses sbires. Dans ce court laps de temps, tout cela répartit l’attention pour mettre l’accent sur une narration bien supportée par un corps de ballet sans pointe. Ici, on voit les filles et les garçons dans un travail presque similaire, expressionniste, fait de sauts, pirouettes et travail au sol très contemporain alors même que la gestion des ensembles est très précise voire rigoriste. La scénographie joue de décors spectaculaires, aussi bien l’imposante Cathédrale ou le parvis, une scène souvent séparée en deux avec un fond surélevé qui met bien en valeur les solistes et le corps de ballet.
Stéphane Bullion - Alice Renavand |
Ballet mixte ou de transition, la musique de Maurice Jarre est parfaitement adaptée à ces spécificités, petit bijou construit autour des personnages avec leurs signes distinctifs, pesante pour l’effrayant Quasimodo, inquiétante pour Frollo, gargantuesque pour Phoebus et mystérieuse pour Esmeralda.
Les costumes d’Yves Saint-Laurent semblent avoir le plus souffert du temps qui passe. Datés de manière incongrue, ils seraient presque acceptables si celui de Phoebus ne rappelait pas sans cesse le délire des années 60.
Florian Magnenet - Alice Renavand |
Ballet de groupe, c’est logiquement la distribution la plus équilibrée qui a retenu l’attention. En concevant du sur mesure Audric Bezard, Stéphane Bullion, Florian Magnenet et Alice Renavand ont joué à fond le jeu de la narration.
Audric Bezard a su saisir la profondeur d’un rôle presque aussi important que celui de Quasimodo et montrer la nature anxieuse et inquiétante de Frollo à travers sa danse comme son jeu d’acteur. Ses évolutions montrent parfaitement la dualité du personnage, des sauts légers et rapides mais aussi une présence physique très puissante symbolisant la menace.
Audric Bezard - Alice Renavand |
Alice Renavand à la danse souple et chatoyante, a présenté une Egyptienne plus joueuse que mystérieuse, plus libérée que femme fatale apportant une nuance de légèreté sur scène. Son attirance pour le superbe Phoebus de Florian Magnenet s’insère totalement dans le cours de l’histoire. Celui-ci a su donner au volage capitaine de la garde malmené par un costume ridicule et une chorégraphie primaire, une présence justifiant son rôle dans l’histoire. L’Esmeralda d’Alice Renavand, très humaine et charmante allait aussi parfaitement avec son Quasimodo au grand cœur, un Stéphane Bullion parfois inquiétant prédateur parfois amoureux enfantin, candide mais pas idiot, grave mais pas méchant. Le danseur qui a encore montré combien il sait magistralement rendre les tourments de l’âme a livré une personnification très fouillée du bossu ; il aura aussi apporté au rôle une touche technique supplémentaire, un engagement physique personnalisé dans les sauts proposés, écarts ou tours en l'air, une originalité avec un porté à une main, de quoi enrichir son Quasimodo dans tous ses aspects.
Ce quatuor de danseurs en pleine
maturité artistique a restitué l’histoire d’une manière cohérente et brillante rendant
tout autant hommage à l’œuvre de Victor Hugo qu’au talent de Roland Petit.
Stéphane Bullion - Alice Renavand |