dimanche 30 octobre 2011

Le Ballet hors les murs : Biarritz, 28-29 octobre 2011


La composition des ballets est disponible dans l'entrée  du 3 février 2009.

Le ballet de l’Opéra de Paris prenait ses quartiers les 28 et 29 octobre dans la gare du Midi de Biarritz, temple du ballet Malandain,  avec son agréable affiche "Lifar/Petit/Béjart", c'est-à-dire Suite en blanc/l’Arlésienne/Le Boléro, qui fonctionne très bien dans les  tournées de la compagnie par la diversité de style des ballets, leur minutage agréablement harmonieux et le peu de décors nécessaires à leur  réalisation technique.

Stéphane Bullion avec Aurélie Dupont, Clairemarie Osta et Mélanie Hurel
Par ailleurs, c'est un programme qui permet à la Maison parisienne de présenter, ailleurs qu’en son sein, ses Etoiles et faire une démonstration du prestige de l’Opéra avec la plupart de ses solistes, les distributions composant uniquement avec les contraintes des ballets se déroulant au même moment à Paris, Caligula en février à Moscou, La Source cette semaine. 
La Compagnie reprendra cette affiche de chorégraphes français dans sa tournée outre-Atlantique de juin-juillet aux Etats-unis d'Amérique.

Suite en Blanc
Serge Lifar

Stéphane Bullion - Clairemarie Osta
Suite en blanc a donc la particularité  de se composer de multiples soli de virtuosité où chacune des Etoiles éblouit, tour à tour, ou en groupe pour un final étourdissant, ne laissant pas le public dans l'attente tellement le rythme des démonstrations est soutenu. Un corps de ballet non moins sollicité dans son excellence, entoure et met en valeur chaque intervention des vedettes par des ensembles aux lignes très structurées et très vives.

Dorothée Gilbert
Bruno Bouché, Florimond Lorieux, Yann Chailloux
Dorothée Gilbert, qui a débuté dans Sérénade le premier soir -remarquablement reprise par Amandine Albisson une fois l’Etoile passée sur La Flûte- livre ici son meilleur cru, ajoutant, après la Première assurée par de la délicate Clairemarie Osta, à sa musicalité et sa technique superlative, une sensibilité interprétative particulièrement réussie. 

 Stéphane Bullion - Aurélie Dupont

Agnès Letestu retrouve avec la Cigarette sa variation d’anthologie. Elle y montre une nouvelle fois distinction et autorité suave avec un rien de détachement qui l’humanise, alors qu‘Emilie Cozette le samedi après-midi y faisait un retour malicieux et efficace après sa blessure du printemps.
Dans l’adage, le nouveau partenariat Stéphane Bullion-Aurélie Dupont étalait son entente parfaite déjà perçue dans Psyché et qui semble susciter des idées d'approfondissement. Malgré les personnalités contrastées des deux danseurs, cette paire élégante est ici magnifiée par la solennité de l’ouvrage qui requiert la perfection du geste mais aussi un soupçon  de chaleur délicate présente dans une interprétation paisible et assurée d'une rare subtilité.

Agnès Letestu

L'oeuvre de Serge Lifar  a l’intelligence de dérouler un crescendo présent dans sa musique. Elle fait monter la tension à l’apogée dans le final qui affiche les morceaux de bravoure, les garçons dégainant une ligne de tours en l’air impeccables et les manèges de jetés impressionnants de Stéphane Bullion et Mathieu Ganio déclenchent les premiers applaudissements de la soirée. Les filles avec notamment Agnès Letestu dans des fouettés réglés au métronome ou Aurélie Dupont au manège à l’allure de lancement de fusée, ne sont pas en reste dans le brio.

Stéphane Bullion

Pour tout dire, Suite en Blanc, dans son parti pris classe et flamboyant, affichait ce week end à Biarritz,  une compagnie au meilleur de sa forme et le plaisir du public était très expressif. Le ballet de Lifar lançait la soirée sous les meilleurs auspices.

Julien Meyzindi-Clairemarie Osta, Stéphane Bullion-AurélieDupont, Mathieu Ganio-Agnès Letestu, Audric Bezard-Dorothée Gilbert


L'Arlésienne
Roland Petit

Clairemarie Osta - Benjamin Pech
Suite au désistement de Jérémie Bélingard, c’est Alessio Carbone, appelé à la rescousse entre deux Zaël dans la Source, qui s’est emparé de l’opus de Roland Petit, l’Arlésienne,  aux côtés de Benjamin Pech, avec Clairemarie Osta comme partenaire.

La musique de Bizet est familière, le public est attentif, puis captivé par cet ouvrage très nourri qui étale la maestria de Roland Petit dans l’art de la narration. Le chorégraphe a ici vraiment réussi à transmettre dans ses pas et mouvements, une véritable marque des événements et des sentiments des héros et de son corps de ballet.
Alessio Carbone et Benjamin Pech font évoluer leur personnage à un rythme et dans une intensité différente. Le premier, un peu plus fougueux,  joue plus sur la candeur et la spontanéité d’un homme perdu, Benjamin Pech sur une noirceur interne aux multiples facettes. 

Alessio Carbone - Clairemarie Osta

Clairemarie Osta, très sollicitée ce week-end, s’accommode des deux tempéraments avec sa remarquable musicalité. Elle dresse le portrait d’une Vivette simple, attentive et au désespoir contenu, dans un rôle parfois ingrat dans la chorégraphie qu’elle remplit de richesse humaine et de douceur.

Le Boléro
Maurice Béjart

Nicolas Le Riche
A peine quelques minutes pour digérer la mort de Frédéri que la musique lancinante du Boléro fait apparaître les mains de Nicolas Le Riche et son rythme progressif qui frôle la folie que Frédéri venait d‘évoquer. C’est alors parti pour 15 mn de bonheur où le danseur fait montre de maîtrise absolue du geste et joue avec sa puissance, sa rapidité  et son ballon, sans être en reste avec ses regards expressifs, dans les pauses provocantes comme dans les sauts à la force brute.
Marie-Agnès Gillot, le samedi après-midi, paraît elle plus posée et mécanique, elle semble vouloir insister sur la musique avec un phrasé marqué un peu lourdement là où Nicolas Le Riche la survole avec légèreté et grâce.

Nicolas Le Riche

Nicolas est le lutin aérien qui semble grandir au fur et à mesure qu’il bondit et se déploie sur son tapis rouge, devenant lun leader charismatique expressionniste aux accents sexuels parfois très exacerbés alors que Marie-Agnès Gillot déploie ses bras tentaculaires pour envoûter plus discrètement le public.
Deux interprétations à l’opposé mais qui mènent de mains de maître un corps de ballet dirigé  avec autorité par Bruno Bouché et Yann Saïz et qui laissent la salle éblouie, debout au bord de l’extase le 29 au soir, alors que Nicolas Le Riche, épuisé, se laisse aller à une joie toute bonhomme. Un grand moment pour terminer cette très belle soirée des styles français du 20e siècle. 

Nicolas Le Riche