samedi 3 octobre 2009

Joyaux, Montpellier & Grenoble 2009

Aurélia Bellet, Sarah Kora Dayanova, Mélanie Hurel, Laëtitia Pujol
Stéphane Bullion, Mathieu Ganio, Julien Meyzindi

Emeraudes est la pièce la plus difficile de Joyaux et comme c’est celle qui débute, elle cueille à froid et laisse une impression diffuse que la musique contribue à insuffler.
De ces représentations d’Emeraudes, on retient surtout l’aisance de Christophe Duquenne qui se meut sur scène avec un naturel incroyable, prenant quelques plaisirs au passage éclatants dans des petits sourires qui lui sont sans doute très personnels et ne se départissent jamais de l’élégance qui caractérise ce danseur.

Christophe Duquenne

Les autres garçons passent plutôt comme des promeneurs, traînant leurs lignes impeccables de long en large comme dans un défilé de mode (et ils sont bien beaux les garçons dans leurs costumes ajustés à leurs corps parfaitement dessinés), s’échangeant les jeunes femmes mais comme s’ils étaient désincarnés, sans âme. Les rôles féminins sont plus marqués mais guère intéressants même si Eve Grinsztajn apparaît se singulariser dans son interprétation de la sicilienne, Mélanie Hurel et Laëtitia Pujol sont plutôt comme les garçons : sur une autre planète (toutes aussi jolies et bien habillées).

Stéphane Bullion - Mélanie Hurel

Dans cette atmosphère, le pas de trois fait un peu étrange et malgré la volonté des différents trios, l’intérêt est assez réduit.
Le ballet est trop long pour que ces promenades ne deviennent pas ridicules et ennuyeuses. Le passage où les trois garçons et les quatre jeunes femmes se mêlent et s’entremêlent est le summum du pensum des relations entre bourgeois, étrange écho qu'on retrouve dans In The Night de Jérôme Robbins.

Stéphane Bullion & Mélanie Hurel

Rubis est crispant, ne serait-ce que par la musique dépouillée et survoltée de Stravinski engendre ces gestes ridicules et datés qui ponctuent le ballet, chez les garçons qui font semblant de sauter à la corde, ou chez les filles qui ressemblent à des poupées… Emilie Cozette et Stéphanie Romberg en solistes n’apparaissent jamais à l’aise et les manipulations des garçons semblent outrageusement ancrées dans une période révolue, Sabrina Mallem, plus vive, s’en sort mieux...

Sabrina Mallem

Pour le reste, toute la pêche de Mathias Heymann et Clairemarie Osta ou d’Alessio Carbone et Dorothée Gilbert n’y fait rien : c’est effarant de ringardise mais lorsqu’apparaissent Jérémie Bélingard et Muriel Zusperreguy, les choses prennent un autre tour. Jérémie Bélingard est absolument époustouflant dans sa maîtrise de la scène et du spectacle.


Jérémie Bélingard & Muriel Zusperreguy

Peut-être Balanchine n’aurait pas donné son approbation mais les choses sont là, un lion est dans l’arène et la comparaison avec les précédentes représentations lui est favorable. Il ne manquait que les petits cris comme le fait parfois Carlos Accosta… Bref, ce garçon est trop rare sur la scène de l’opéra mais finalement, on apprécie d’autant plus ses sorties.

Diamants

Diamants s’attaque à la grandeur ou plutôt au grandiloquent sur une musique sirupeuse puis pompeuse de Tchaikovski. Pris à part, cela pourrait être agréable (parce que court et assez bien construit) mais après Emeraudes et Rubis, cela apparaît comme le paroxysme de la prétention. D’ailleurs les spectateurs applaudissent avant que les danseurs commencent à bouger, l’effet est réussi, pas besoin de défiler comme dans Emeraudes, il suffit de regarder les costumes qui brillent de mille feux (merci Christian Lacroix car somme toute, dans d'autres compagnies, les costumes sont franchement moins réussis et on s'ennuie deux fois plus).

Emilie Cozette & Christophe Duquenne

Emile Cozette et encore Christophe Duquenne semblent avoir la volupté requise pour se fondre dans le tempo et incarner une certaine chaleur, alors qu’Agnès Letestu et José Martinez sont un peu trop hiératiques, à la limite de la caricature des seigneurs de la danse, efficacité maximale garantie, émotion zéro. Marie-Agnès Gillot et Karl Paquette sont hors propos, le couple peu harmonieux semblant lutter la plupart du temps, la danseuse trop en force et le danseur faisant ce qu’il peut pour maîtriser son énergie.

Agnès Letestu

En présentant Joyaux en province, l’Opéra de Paris, sélectionne un aspect un peu caricatural de son répertoire, un chorégraphe connu et prestigieux, des beaux danseurs, des beaux costumes, et offre sans doute ce que lui seul peut réaliser mais cela reste l’élitisme de la danse classique, une facette très restreinte de cette riche compagnie, comme si la visite hors les murs, la forçait à se distinguer là où elle n'a pas de concurrence.

Christophe Duquenne